L’aspect le plus connu, le tàijí quán consiste, à reproduire un enchaînement de mouvements immuables, appelé traditionnellement : la forme.
Cet enchaînement, cette forme traditionnelle, est constitué, dans notre école, de 108 mouvements découpés en trois parties : La Terre 土 , L’Homme 人 et Le Ciel 天
L’apprentissage et la connaissance des trois parties demandent du temps et de la régularité, et se développent sur plusieurs années. Cela demande au pratiquant un travail de longue haleine et un investissement personnel. Un travail qui en chinois se dit Gong 功. Le Tàijí Quán s’apprend par la répétition et le pas-à-pas, avec patience, confiance et persévérance. La pratique nous emmènera, petit-à-petit vers des sensations nouvelles, l’esprit sera de plus en plus calme et centré, le corps de plus en plus délié et souple. Il n’y pas de raccourci. Seules des bases solides permettront d’évoluer et d’approfondir en permanence. Le Tàijí Quán comporte, il est vrai, de multiples facettes. La pratique nous apprend à utiliser des ressources auxquelles nous n’avons pas l’habitude de recourir : le mental, le centrage, l’enracinement, la conscience de l’espace, l’écoute, le regard intérieur voire les énergies. Vous trouverez ci-dessous des articles concernant la pratique du Tàijí Quán :
Préparation |
Ouverture |
Saisir la queue de l’oiseau (Parer, tirer, presser et pousser) |
Simple fouet |
Mains levées |
Poing sous le coude |
Brosser le genou gauche |
Jouer du pipa |
Brosser le genou gauche |
Brosser le genou droit |
Brosser le genou gauche |
Jouer du pipa |
Un pas en avant, dévier vers le bas, parer et frapper du poing |
Ramener et pousser |
Embrasser le tigre (Croiser les mains) |
Embrasser le tigre et le reporter à la montagne |
Saisir la queue de l’oiseau (Tirer, Presser et pousser en avançant) |
(Demi-tour) Le serpent darde sa langue et le poing sous le coude |
Reculer en repoussant le singe à droite |
Reculer en repoussant le singe à gauche |
Reculer en repoussant le singe à droite |
Vol oblique |
Mains levées |
La grue blanche déploie ses ailes |
Brosser le genou gauche (diagonal) |
Chercher l’aiguille au fond de la mer |
Ouvrir de dos comme un éventail |
Se retourner et frapper du poing |
Un pas en avant, dévier vers le bas, parer et frapper du poing |
Ramener et pousser |
Saisir la queue de l’oiseau (Tirer, presser et pousser) |
Simple fouet |
Mouvoir les mains comme un nuage |
Mouvoir les mains comme un nuage |
Mouvoir les mains comme un nuage |
Simple fouet |
Flatter l’encolure du cheval sauvage |
« Séparer les pieds » Donner un coup de pied pointe à droite |
« Séparer les pieds »Donner un coup de pied pointe à gauche |
Se retourner et donner un coup de pied talon gauche |
(Parade, parades et) Brosser le genou à gauche |
Brosser le genou à droite |
Coup de poing vers le bas |
Ouvrir de dos comme un éventail |
Se retourner et frapper du poing (x2) |
Un pas en avant, dévier vers le bas, parer et frapper du poing |
Donner un coup de talon droit |
Frapper le tigre à gauche |
Frapper le tigre à droite |
Donner un coup de talon gauche |
Se retourner et donner un coup de talon droit (1 + ¼ tr) |
Frapper les oreilles du tigre (Double vent dans les oreilles) |
Donner un coup de talon gauche |
Un pas en avant, dévier vers le bas, parer et frapper du poing |
Ramener et pousser |
Embrasser le tigre (Croiser les mains) |
Embrasser le tigre et le reporter à la montagne |
Saisir la queue de l’oiseau (« Grand lu », presser, pousser) |
Double fouet |
Séparer la crinière du cheval sauvage à droite |
Séparer la crinière du cheval sauvage à gauche |
Séparer la crinière du cheval sauvage à droite |
Saisir la queue de l’oiseau (« Grand lu », presser, pousser) |
Double fouet |
La dame de jade tisse et lance la navette à gauche (1-ère navette) |
La dame de jade tisse et lance la navette à droite (2 -ème navette) |
La dame de jade tisse et lance la navette à gauche (3 -ème navette) |
La dame de jade tisse et lance la navette à droite (4 -ème navette) |
Saisir la queue de l’oiseau (« Grand lu », presser, pousser) |
Double fouet |
Mouvoir les mains comme un nuage |
Simple fouet |
Le serpent qui rampe |
Le coq d’or se tient sur la patte gauche |
Le coq d’or se tient sur la patte droite |
Reculer en repoussant le singe à droite (Pas tournant, en reculant, coup de talon droit) |
Reculer en repoussant le singe à gauche (Pas tournant, en reculant, coup de talon gauche) |
Reculer en repoussant le singe à droite (Pas tournant, en reculant, coup de talon droit) |
Reculer en repoussant le singe à gauche (Pas tournant, en reculant, coup de talon gauche) |
Vol oblique |
Lever les mains |
La grue blanche déploie ses ailes |
Brosser le genou gauche |
Chercher l’aiguille au fond de la mer |
Ouvrir de dos comme un éventail |
Se retourner et le serpent blanc darde sa langue et coup de poing retourné |
Un pas en avant, dévier vers le bas, parer et frapper du poing |
Fermeture apparente |
Double fouet |
Mouvoir les mains comme un nuage |
Mouvoir les mains comme un nuage |
Mouvoir les mains comme un nuage |
Simple fouet |
Flatter l’encolure du cheval. |
La main qui transperce |
Tourner et donner un coup de talon droit |
Avancer d’un pas et frapper du poing |
Fermeture apparente |
Double fouet |
Le serpent qui rampe |
Faire un pas en avant et former les sept étoiles |
Reculer et chevaucher le tigre |
Se retourner et balayer le lotus |
Bander l’arc et tirer sur le tigre |
Un pas en avant, dévier vers le bas, parer et frapper du poing |
Ramener et pousser |
Avancer d’un pas |
Pousser aux hanches |
Embrasser le tigre (Croiser les mains) |
Fermeture du taiji |
沉肩坠肘 xū líng dǐng jìng 沉: tomber, baisser; 肩: épaule; 坠: tomber, pendre; 肘: coude, avant-bras
Les omoplates sont placées vers le bas, les coudes tombent, les bras sont relâchés. Maintenir l’énergie au sinciput, c’est tenir la tête bien droite, de sorte que l’énergie spirituelle soit reliée au sinciput. Ne pas employer la force musculaire, qui raidirait le cou et gênerait la circulation du sang et du souffle. Que votre esprit soit spontané et agile, car sans l’agilité et le maintien de l’énergie au sinciput, la force vitale ne peut pas être mise en branle.
含胸拔背 hán xiōng bá bèi 含: creuser; 胸: poitrine; 拔: tirer, enlever;背: dos
Creuser la poitrine a pour conséquence de prendre contact avec la terre et d’ouvrir le dos. C’est un mouvement continuel de concentration-expansion qui permet d’accumuler l’énergie dans le dos.. Rentrer la poitrine consiste à la retenir légèrement vers l’intérieur, pour que le souffle descende se concentrer dans le champ de cinabre. Abstenez-vous de bomber le torse, sinon le souffle étant comprimé au niveau de la poitrine, la partie supérieure du corps sera lourde, la partie inférieure légère, et les pieds auront tendance à flotter. Étirer le dos consiste à faire adhérer le souffle au dos. La rentrée de la poitrine entraîne naturellement un étirement du dos, ce qui permet d’émettre la force à partir de l’axe spinal et d’être alors sans rival.
鬆腰松腰 sōng yāo 松: lâcher, détendre; 腰: la taille
La zone lombaire, les fessiers, les jambes sont complètement relâchés. La taille est le maître de tout le corps. Les pieds n’ont de la force et le bassin de l’assise que si l’on est capable de relâcher la taille. Les passages du “plein” au “vide” s’effectuent à partir de mouvements tournants de la taille. C’est pourquoi l’on dit : “ La source du commandement est à la taille ”. Le manque de force provient de la taille et des jambes.
分虛實 fēn xū shí
Dans l’art du Taiji Quan, le premier principe est de distinguer le “plein” et le “vide”. Si tout le corps est appuyé sur la jambe droite, on dit que la jambe droite est “pleine”, la jambe gauche “vide” et vice versa. Les mouvements tournants ne sont effectués avec légèreté, agilité et sans le moindre effort que si l’on sait distinguer le “plein” du “vide”; sinon, les déplacements sont lourds et gauches, le corps manque de stabilité et l’on est aisément déséquilibré par l’adversaire qui vous attire.
沉肩垂肘 chén jiān chuí zhǒu
Baisser les épaules consiste à les relâcher et les laisser tomber ; si l’on ne peut les relâcher et les laisser tomber, elles sont haussées, ce qui entraîne une remontée du souffle et par conséquent un manque de force dans tout le corps.
Laisser tomber les coudes le long du corps consiste à les relâcher. S’ils sont levés, les épaules ne peuvent être abaissées, et l’on ne peut repousser très loin l’adversaire. La technique utilisée se rapproche alors de celle de l’école exotérique employant une force intérieure (jing) discontinue.
用意不用力yòng yì bù yòng lì
Il est dit dans le Traité sur le Taiji Quan : “ Tout réside dans l’emploi de la pensée au lieu de la force ”. Pendant la pratique du Taiji Quan, tout le corps est détendu, de sorte que pas la moindre énergie grossière ne subsiste et ne stagne entre les os, les muscles ou les veines, vous ligotant ainsi vous-même. C’est alors seulement que l’on peut effectuer les passages d’un mouvement à l’autre avec légèreté et facilité, et exécuter les mouvements tournants avec naturel. Certains doutent qu’il soit possible d’avoir une force durable sans l’emploi de la force musculaire, mais le corps humain possède des canaux de circulation du souffle, de même que la terre a ses rigoles. Si les rigoles ne sont pas obstruées, l’eau coule ; si les veines ne sont pas bouchées, le souffle circule. Lorsqu’une énergie raide emplit ces canaux, le sang et le souffle sont gênés, les mouvements tournants manquent d’agilité et il suffit de tirer un cheveu pour que tout le corps suive. Si au lieu de la force musculaire on emploie la pensée créatrice, là où la pensée parvient, le souffle parvient. De la sorte, le sang et le souffle circulent continuellement dans le corps sans s’arrêter un seul instant. Grâce à un long entraînement, l’on acquiert la véritable énergie intérieure, et comme il est dit dans le Traité sur le Taiji Quan : “ La souplesse et la flexibilité extrêmes produisent la résistance et la rigidité extrêmes ”. Ceux qui sont familiarisés avec la technique du Taiji Quan et la maîtrisent, ont les bras semblables à du fer entouré de coton, la force y est enfouie profondément, tandis que les disciples de l’école exotérique manifestent la force musculaire dans l’action et semblent flotter dans l’inaction. Cela prouve que leur force musculaire n’est qu’une énergie superficielle.
Quand on emploie la force musculaire à la place de la pensée créatrice, l’adversaire peut très facilement vous inciter à vous mouvoir, cela ne mérite pas notre estime.
上下相随 shàng xià xiāng suí
Relier le haut et le bas, c’est se conformer à ce principe énoncé dans le Traité sur le Taiji Quan : “ L’énergie prend racine dans les pieds, se développe dans les jambes, est commandée par la taille et se manifeste dans les doigts. Des pieds, aux jambes, à la taille, il faut une unité parfaite ”. Tout mouvement des mains va avec un mouvement de la taille ; quand les pieds se meuvent, l’énergie spirituelle des yeux (le regard) se meut en même temps et les suit ; dans ce cas, l’on peut dire que le haut et le bas sont reliés ; mais si une seule partie du corps ne se meut pas avec le reste, il y a désordre et dislocation…
内外相合 nèi wài xiāng hé
Le travail du Taiji Quan est un travail de l’énergie spirituelle. C’est pourquoi l’on dit : “ L’énergie spirituelle est le maître, le corps le valet. ” Si l’on peut mettre en branle la force vitale, les mouvements sont spontanés, légers et agiles. L’enchaînement des mouvements suit les principes (d’alternance) de “ plein ” et de “ vide ”, d’ouverture et de fermeture. Quand on parle d’ouverture, il ne s’agit pas uniquement d’ouverture des pieds et des mains, mais aussi de l’ouverture de la pensée et de l’esprit. De même, la fermeture n’est pas seulement une fermeture des pieds et des mains, mais aussi de la pensée et de l’esprit. Si l’intérieur et l’extérieur peuvent être unis en un seul souffle, tout est parfait.
相连不断 xiāng lián bù duàn
Dans les arts de combat de l’école exotérique, l’énergie employée est l’énergie grossière du “ ciel postérieur ”. Il y a donc des départs, des arrêts, des enchaînements, des interruptions. C’est au moment précis où l’ancienne force arrive à sa fin et où la nouvelle n’est pas encore née que l’on peut le plus aisément être vaincu. Comme, dans le Taiji Quan, l’on utilise la pensée et non la force musculaire, tout est lié sans interruption du début à la fin ; quand une révolution est terminée, une autre commence, le mouvement circulaire se déroule à l’infini. Il est dit dans le Traité originel : “ La longue boxe est semblable aux flots d’un long fleuve ou de la mer, qui se meuvent continuellement et sans fin ”. Ou encore : “ Faites se mouvoir l’énergie comme un fil de soie que l’on dévide d’un cocon. ” Toutes ces comparaisons suggèrent que tout est relié par un seul souffle.
动中求静 dòng zhōng qiú jìng
Dans les arts martiaux de l’école exotérique, la capacité de sauter est considérée comme très importante, et l’on y utilise jusqu’à épuisement la force musculaire et le souffle. C’est pourquoi, après s’être exercé, le boxeur est toujours haletant. Dans le Taiji Quan, on dirige le mouvement par le calme ; bien que mouvant, l’exécutant reste calme ; c’est pourquoi il est préférable d’exécuter l’enchaînement des mouvements le plus lentement possible. Grâce à la lenteur, la respiration devient longue et profonde, le souffle est concentré dans le champ de cinabre, et le pratiquant n’a naturellement pas les artères battantes. Les adeptes doivent s’appliquer à comprendre cela, mais peu y arrivent.
Au fil d’une pratique et d’une réflexion qui se sont étendues sur plusieurs siècles, les maîtres de l’Antiquité sont parvenus à sonder le mystère du tàijíquán, consignant leurs pénétrantes intuitions sous forme de chants et de poèmes. Longtemps tenus secrets, ces chants et ces poèmes étaient aussi bien gardés que des pierres précieuses et n’ont été révélés au grand public vers la fin du XIXème siècle. Le secret le mieux gardé, c’est qu’il n’y pas de secret dans le tàijíquán.
« Retourner le fleuve et renverser la mer » est une expression technique d’alchimie intérieure qui désigne le fait de faire circuler le souffle de contrôle (vaisseau Gouverneur Du Mai 督脉) Yang) et de fonction (vaisseau Conception Rèn Mài; 任脉) yin), depuis le coccyx jusqu’au sommet de la tête pour revenir par devant jusqu’au sexe. Ci-dessous l’exemple de la petite circulation Il existe trois portes (ou passages difficiles) sanguān 三关 Elles sont appelées ainsi parce qu’elles se réfèrent à des zones où le passage du Qi 氣 est difficile. Situées le long du méridien Du Mai 督脉 :
Raideurs, douleurs et congestions à ces endroits témoignent, selon la médecine chinoise, d’un passage difficile du Qi 氣. Des massages, l’acupuncture ou des techniques de contractions-respirations sont alors utilisés pour fluidifier la circulation.
A la suite d’un stage dans les Vosges, j’ai tenté, en toute modestie, de rédiger un texte abscons qui relate une partie de ma compréhension de la pratique.
Par la Source bouillonnante connectée au tréfonds de la terre
Monte l’eau qui à travers le périnée, la Porte de la vie désaltère
Laissez le Coussin de jade se gonfler jusqu’aux cent réunions.
La langue derrière les incisives ; les vaisseaux en communion.
Profitant de cette voie, le feu s’écoule et le corps se tonifie
Le retour à la source densifie la coulée qui distribuée s’aventure
Par la Porte du labeur, ce flux trouve une issue vers l’infini,
Le relâchement tel une seringue apporte à l’être la nourriture.